Bref : oui !
Le cachemire est un bel exemple d'un mot horrible : « masstige », qui apparaît lorsque les forces de la mondialisation poussent un produit haut de gamme sur le marché de masse.
La Mongolie intérieure, cœur de la production de cachemire, est basée sur une pratique d'élevage nomade qui remonte à Gengis Khan. Entre 1949 et 2004, le cheptel est passé de 2,4 millions à 25,8 millions de chèvres. De nombreux chercheurs pensent que ce troupeau est responsable de la désertification de Gobi, car lorsque les chèvres mangent de l'herbe, elles l'arrachent des racines, laissant le sol vulnérable au vent.
De plus, le changement climatique accroît les enjeux : la température moyenne annuelle a augmenté de 2,1 degrés Celsius depuis 1940, accompagnée d'une diminution de 30 % des eaux de surface. Ensuite, il y a les dzuds, qui sont des événements météorologiques hivernaux rigoureux. En 2010, un dzud en Mongolie a détruit 8,8 millions de têtes de bétail. L'ONG française AVSF.org a récemment lancé un programme de cachemire durable, en collaboration avec les éleveurs pour améliorer la chaîne d'approvisionnement.
Le Dr Carol Kerven calcule le coût humain : les éleveurs de chèvres de Mongolie intérieure sont sous-payés, le poil de chèvre se vendant à seulement 2,30 dollars le kilo. Il peut se vendre jusqu’à 75 dollars le kg une fois arrivé sur le marché international. Les manteaux ne sont plus peignés pour libérer les poils de cachemire de la plus haute qualité ; au lieu de cela, les animaux sont tondus, ce qui donne un mélange de poils doux et grossiers.
Le cachemire évolue suite à ces évolutions. Il devient plus grossier et son USP s'érode. Un pull en cachemire de qualité supérieure nécessite le pelage de cinq chèvres et un an de croissance. Ce n’est pas le genre de délai approprié pour un produit mondial (ce qu’est devenu le cachemire). En conséquence, certains cachemires bon marché sont faux, contenant des poils de yack, des synthétiques et même, dans un cas, des poils de rat.
Cependant, pour 60 £, vous pouvez acquérir de vrais pulls 100 % cachemire en 25 couleurs chez de grandes enseignes comme Uniqlo. Comment font-ils pour le faire ? En partie parce que, comme ils le soulignent, ils disposent d’un grand pouvoir d’achat. En dehors de cela, l'approche commerciale d'Uniqlo sépare le producteur du produit, contrairement à Johnston's d'Elgin, qui transforme toujours le cachemire en Écosse et suit sa chaîne d'approvisionnement directement jusqu'aux éleveurs de Mongolie intérieure. Son histoire du cachemire, qui a nourri l'essor mondial de la marque, laisse de côté les chèvres et les déserts, et n'explique pas comment cette extraordinaire fibre brute sera protégée à l'avenir.
C’est mon problème avec presque toutes les lignes de cachemire économiques. Ils sont doués pour présenter une histoire chaleureuse de mode de Noël, mais terribles pour tout le reste. Je ne pense pas que ce soit cool lorsqu'une chaîne d'approvisionnement est aussi vulnérable.
